Le philosophe Paul B. Preciado nous parle d'un texte dense, capital, paru en 1985 et devenu aujourd'hui une référence mondiale qui inspire autant artistes, féministes, queers que penseurs et hackers, qui révèle notre part hybride, humaine et technologique : le "Manifeste Cyborg" de Donna Haraway
Avec Paul B. Preciado, philosophe, écrivain et cinéaste Pour Paul B. Preciado, "la pensée de Donna Haraway est l'une des pensées les plus radicales et transformatrices du 21ème siècle". Il a rencontré la philosophe alors qu'il n'avait que 25 ans : "on trouve dans ses écrits une énergie enfantine et la vitalité d'une personne qui commence à explorer le monde". Son travail implique un exercice de pensée qui consiste à apprendre, désapprendre et inventer puisqu'elle cherche à déconstruire les binarismes qui nous structurent - dont notamment celui entre organique et cybernétique. "Donna Haraway nous montre, à travers la métaphore politique du cyborg, que la technologie ne nous est pas extérieure, que les corps que nous fabriquons nous-mêmes sont aussi technologiques, et donc que la technologie n'est pas qu'une histoire de machine, mais un rapport social."
Un texte performatif pour dépasser l'individualité Selon Paul B. Preciado, le Manifeste Cyborg peut se lire comme de la poésie, car c'est un texte qui a une fonction transformatrice, notamment parce qu'il est fondateur du féminisme queer, du féminisme trans et du cyberféminisme. Donna Haraway critique néanmoins certains courants du féminisme qui "rejettent l'hétérogénéité" et remet en cause le mythe d'une nature féminine, qui perpétue la domination des femmes. Paul B. Preciado prolonge son geste en dénaturalisant non seulement le genre, qui est une construction sociale, mais aussi le sexe - qui a lui-même été genré. Le mythe fondateur de l'individu est aussi remis en cause par Donna Haraway, qui préfère voir le monde à travers le prisme des connexions : "l'empowerment qu'elle propose passe par la reconnaissance de la dimension relationnelle et donc non-identitaire du sujet". Ce qui fait de sa pensée une "pensée de la mutation, du devenir qui s'oppose à celles qui conçoivent l'individu comme une substance figée".
"Les textes les plus horribles me paraissent nécessaires" Paul B. Preciado déteste beaucoup de textes - environ 80 % ! - mais considère qu'il est néanmoins important de les lire : "c'est nécessaire de comprendre ces textes pour pouvoir imaginer des processus de résistance et d'émancipation". C'est le cas par exemple pour les textes de Freud ou de Lacan, sur lesquels il travaille : "je les trouve déplorables mais c'est important de les lire pour pouvoir inventer une nouvelle épistémologie".
Extraits sonores : Archive de Donna Haraway du 1er mai 2009, "Les vendredis de la philosophie", France Culture Lecture par Anaïs Ysebaert de deux extraits du Manifeste Cyborg : science, technologie et féminisme socialiste à la fin du XXe siècle de Donna Haraway, traduit par Marie-Hélène Dumas, Charlotte Gould et Nathalie Magnan pour Exils Éditeur, édition originale dans le journal Socialist Review n°80, 1985 I Don’t Understand It, chanson de Ice Water Slim Sciences et Savoirs Philosophie Philosophie contemporaine Gilles Deleuze Donna Haraway
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