vendredi 3 avril 2020

Des nouvelles de l'ATS de ce mercredi 2 avril.....

 Tous ensemble et chacun chez soi   ....Voilà ce nous avons partagé ce mercredi 2 avril :




Rien de plus délicieux, en ces temps de solitude forcée ou de promiscuité subie, que de rire de personnages qui, eux aussi, tournent en rond et se débattent avec le sens de leur vie.
Comme toujours chez Feydeau, l’argument est à la fois d’une simplicité enfantine et extraordinairement complexe : "Sécurité et discrétion, recommandé aux gens mariés… ensemble ou séparément !" : c’est la promesse alléchante de l’hôtel du Libre-échange, établissement de second ordre, où monsieur Pinglet, entrepreneur en bâtiment, lassé de son épouse vieillissante, veut emmener la délicieuse Marcelle, qui n’est autre que la femme de son ami et associé, l'architecte Paillardin. Négligée par son mari, elle aussi est prête à commettre l’adultère.
Ce que tous deux ignorent, c’est que, ce soir-là, Paillardin passe lui aussi la nuit dans cet "hôtel borgne", qui abrite également les amours clandestines de leur femme de chambre Victoire avec Maxime, le neveu de Paillardin. Portes qui claquent, quiproquos en pagailles, amant dans le cabinet de toilette : la mécanique infernale si chère au maître du boulevard est en marche. Mais Isabelle Nanty parvient à colorer le vaudeville de poésie et de tendresse.



 


Parce que c’est quand on est confinés que la vérité éclate

Immense succès dès sa présentation en 1894, L’hôtel du libre-échange est parfaitement emblématique du talent de Feydeau pour la farce, mais aussi pour la satire sociale, en faisant preuve d’une intelligence et d’une lucidité impitoyable sur les travers de la vie bourgeoise.
Quand la pièce commence, les deux couples, les Paillardin et les Pinglet, qui habitent des appartements contigus, sont physiquement piégés dans leurs mariages respectifs. D’ailleurs Madame Pinglet n’hésite pas à enfermer son mari pour l’empêcher d’aller au restaurant sans elle, de trop vivre sans elle en somme. Et c’est en se faisant une échelle de corde qu’il peut s’enfuir.
Comme l’écrit Isabelle Nanty dans sa note d’intention :
Michel Vuillermoz, génie de la diction et de l’autorité, qui incarne Pinglet, se plaint :
Y’ a de la lave en moi ! de la lave en ébullition !... Seulement, je n'ai pas de cratère...
Au deuxième acte, tout le monde tente donc la grande évasion dans ce petit hôtel borgne. Sauf que tout dans ce lieu est plus que douteux ; le garçon d’hôtel (Laurent Lafitte en grande forme) écoute aux portes et le linge n’est pas blanc de blanc : 
Je vous ai mis des draps propres – Parce qu’ils ne le sont pas toujours ? – Si. Mais il y a les draps propres et les draps vraiment propres. 
Et puis surtout, tout le monde a eu la même idée ! Pas moins de onze personnages se retrouvent prisonniers de chambres dont il ne peuvent sortir sans être surpris, qui par son mari, qui par son oncle, qui par son ami de province.
Le génie de la pièce, c’est que contrairement à Un fil à la patte, écrit quelques mois auparavant, ce n’est pas un, mais quasiment tous les personnages qui ont quelque chose à cacher, ou quelque chose à tenter. On rit bien sûr, comme rarement à la Comédie-Française, mais on compatit aussi. Car la mécanique implacable de l’enfermement fait jaillir la vérité des cœurs, médiocres mais aussi attendrissants. On réinvente sa vie pour mieux aimer son chez-soi. Pinglet se faisait une joie d’avoir une maîtresse, mais réclame son épouse quand il fait un malaise : 
Et ma femme qui n’est pas là !


 

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